Oh que le monde est (petit) imparfait

Nous sommes pleins de défauts: c’est une terrible réalité que j’ai découvert très tôt en tant que psy.

Nous sommes pleins de défauts: c’est une terrible réalité que j’ai découvert très tôt en tant que psy.

En effet, si je devais compter les personnes parfaitement saines de mon environnement – celles sans trouble anxieux, problématique d’attachement ou autre – je ne crois pas que je pourrais avoir plus que 3 ou 4. A peine de quoi faire un podium avec les heureux élus !

Bien entendu, cela ne veut pas dire que tout le monde est mentalement instable… mais oui, il y aura toujours quelque chose à améliorer dans chacun d’entre nous. Nous sommes tous en train de cacher quelque chose/compenser quelque chose/nier quelque chose, ou simplement, en train de l’ignorer et de vivre avec. Et parfois, cela fonctionne parfaitement au point où toute intervention devient inutile, voir même nocive!

“Tout va bien” – la vision catégorique

Je m’expliquerai par le biais d’une anecdote personnelle.

Souffrant d’une douleur au genou, je suis allée voir un médecin à Paris dans une clinique spécialisée. La consultation a duré 5 minutes, suite à laquelle le docteur m’a prescrit un examen pour confirmer son diagnostic. « Ce n’est rien », a-t-il affirmé en voyant les résultats: « une petite malformation dégénérative qui se manifeste souvent chez les jeunes sportives: vous l’aurez probablement au deuxième genou aussi ». Et hop : 6 mois de pharmacothérapie, 15 séances de kiné, et une modification de mes habitudes de vie par l’interdiction de certains sports. J’avoue avoir été confuse de recevoir un traitement pour l’arthrose à cet age, tout en entendant que je n’ai rien … mais je comprends très bien ce qu’il voulait dire.

Pour un professionnel de la santé, cette petite anomalie fonctionnelle n’était rien de grave et ne méritait pas plus de temps et d’attention. En effet, afin que quelque chose qualifie de grave pour un soignant, il ne suffit pas que cela vous affecte. Il vous faut en souffrir à un point où l’intervention devient non seulement recommandée mais nécessaire. Tant qu’une adaptation est possible, sans beaucoup de coûts objectifs ou subjectifs, alors tout va bien, ou plutôt, tout est normal – car nous sommes imparfaits et pleins d’anomalies !

Techniquement, cette vision est correcte. Cependant, de nos jours -notamment en psychologie- nous passons d’une vision catégorielle du diagnostic à une vision dimensionnelle. Sur un continuum d’imperfections, la question devient alors : combien d’anomalies sont-elles acceptables avant de nécessiter l’intervention prolongée d’un professionnel? Plus précisément : A quel moment est-ce que l’anomalie devient ANORMALE ?

Le bien, le mal, et son impact sur la société aujourd’hui

Cette question tourmente probablement beaucoup de personnes. D’autant plus qu’il devient difficile de trouver une réponse dans une société où il faut camoufler ses failles, les embellir ou les masquées. On peut alors percevoir le message suivant: “Peu importe la honte, de grâce, pleurez et gérez votre peine seuls chez vous… personne n’a de temps (ou d’envie, voir de compétence) pour gérer cela !”.

Au-delà d’une imperfection, on appellera cela une faille. C’est un défaut, une lacune, à réparer, travailler, juger… Il ne faut surtout pas l’accepter de peur de passer pour quelqu’un d’imbus de soi-même ou de paresseux, qui ne fait pas d’effort pour s’améliorer ! L’humilité, ou même la dévalorisation, prennent le dessus sur l’affirmation de soi – notamment dans le champ professionnel. Dieu créa le bon, et le mauvais – alors sur votre CV, vous mettrez le bon s’il-vous-plaît, et vous effacerez le mauvais (à moins que ce ne soit un surplus de perfectionnisme : car cela passe bien dans les entretiens ????).

Arrêtons-nous un moment sur cette situation. Prenons un peu de distance si vous le permettez… Comment sommes-nous arrivés là ?

Les actes essentiels à la survie de l’espèce (manger, boire, respirer, dormir) semblent de moins en moins essentiels et prennent moins en moins de place. Par ailleurs, la caractéristique inhérente de l’être humain depuis Adam et Eve -soit l’erreur ou l’imperfection- devient quelque chose à travailler, à gérer, à améliorer en permanence.

Peut mieux faire, vous diront-ils, dés votre plus jeune âge. Le faire a pris possession de l’être, et nous avons oublié l’essentiel!! Alors reprenons ensemble les bases…

La vision dimensionnelle

La vision dimensionnelle  part du principe que les anomalies nous constituent – elles sont même à l’origine de beaucoup de points forts. D’ailleurs, une majorité de comportements dits « problèmes » ont été créés pour des raisons « adaptatives » à la base – sinon nous ne les aurions pas. Or, avec le temps, et le changement des circonstances, la solution devient le problème.

Toute médaille a son revers: A force de pousser plus haut la barre de ses exigences, un perfectionniste pourra certainement exceller. Mais, à force de mettre la barre trop haute, toute réussite finira par perdre de sa valeur subjective. L’individu fonctionnera alors sous un stress permanent, à la recherche d’un horizon inatteignable. Je suis sure que cela parle à certains…

Autre exemple chez les personnes très altruistes: elles pourront parfois deviner ce que vous ressentez, ce à quoi vous pensez, avant même que vous ne vous en rendiez compte. Elles pourront aussi vous connaître plus profondément que vous ne vous connaissez, devenant de très (voir trop) bons compagnons… quitte à le faire parfois à leurs propres dépens et à perdre le sens de soi, ou la limite qui les sépare de l’autre.

De même, l’angoisse permettra d’entrevoir ce qui nous effraie et d’implémenter des stratégies de contrôle pour mieux prévoir et se protéger toujours plus. Ce contrôle pourra pourtant devenir contre productif, nuisible, et même parfois bloquer le bonheur et la joie. Ou la spontanéité…

Tant d’exemples pour vous dire que rien n’est vrai ou faux ou bon ou mauvais. Les choses sont ce qu’elles sont, reste à trouver ce qui nous convient, ou ce qui fonctionne, au quotidien. Et si jamais cela ne fonctionne pas, le meilleur moyen pour le savoir serait alors reste d’écouter sa propre subjectivité, ses émotions, qui sont là pour une bonne raison (aussi adaptative mais on verra ça dans un autre article !).

Alors comment répondre à cette fameuse question? Comment savoir quand on a besoin d’aide ?

Le cut off, ou comment savoir quant on a besoin d’aide

Tout d’abord, le fait d’admettre qu’il n’y ait pas de bon et de mauvais permet une meilleure évaluation de la situation, et moins de résistance face à la vérité de son être. Ce qui vous détruit aujourd’hui vous a probablement servi à un moment ou un autre. N’ayez pas peur de le découvrir, de laisser l’introspection vous porter au plus profond de vous et, éventuellement, d’en parler avec des personnes de confiance. Et quand votre réponse vous dit « Je survis mais je ne vis pas », ou « je me trouve constamment insatisfait de la vie, sans vraiment avoir de raison de l’être » ou encore « Je ne sais pas ce qui cloche en moi, les choses pourraient être pire et d’ailleurs, je n’ai pas d’autre choix… » alors il devient important d’entendre « quelque chose ne va pas ! ».

Ensuite, il est primordial de ne pas étouffer cette voix intérieure : avoir honte de ce que l’on est, sentir que l’on n’est pas fait pour être dans ce monde est souvent le signe d’un contexte inadéquat, d’un besoin de voyage, dans tous les sens du termes [1] . Le monde est trop vaste pour se conforter dans une vie en dessous de son être.

Et enfin (surtout), ne vous sentez pas seuls ! Quelqu’un, quelque part, se sent sûrement de la même façon que vous. Sortez, entourez-vous, demandez de l’aide à un professionnel. Faites vos recherches et explorez : osez questionner votre zone de confort ! La curiosité est une vertu et le bonheur se cache parfois dans l’inconnu (Victor Hugo).

[1] Le vrai, le plus grand voyage est celui de changer de regard

L’essentiel

Je conclurais sur ces quelques mots : n’ayez pas peur de reconnaître ce que vous êtes, et de l’être, c’est tout ce dont vous avez besoin. Et si vous n’allez pas bien aujourd’hui, soyez harmonieux et surtout, soyez en paix. Car dans le bon comme dans le mauvais, vous êtes certainement votre plus grand outil.

Share:

Share on facebook
Facebook
Share on twitter
Twitter
Share on pinterest
Pinterest
Share on linkedin
LinkedIn

Laisser un commentaire

On Key

Related Posts

Le Vilain Petit Canard

J’avais fini ce texte avant l’invasion de l’Ukraine qui a recalibré le monde moderne et redéfinit les enjeux pour tous.
Le monde s’est alors réveillé anxieusement avec l’arrivée d’une guerre en Europe, continent qui pensait avoir enterré la hache de guerre pour de bon. Les patients m’en parlaient en séance, hébétés « comment est-ce encore possible, en 2022… ?! ». Et pendant que je les écoutais, soigneusement, je ne pouvais que penser à cet écrit.

Chers Millenials, soyez prudents

Je lisais un article sur le burn-out des millenials (génération née entre les années 80 et 90/2000). Loin d’être un syndrome reconnu, ce concept fait appel aux jeunes adultes qui s’écroulent sous des attentes d’une vie meilleure : une meilleure carrière, une alimentation plus saine, plus de sport, de yoga. Fonder une famille tout en voyageant, faire de l’argent tout en luttant pour la paix dans le monde…