Le Vilain Petit Canard

J’avais fini ce texte avant l’invasion de l’Ukraine qui a recalibré le monde moderne et redéfinit les enjeux pour tous. Le monde s’est alors réveillé anxieusement avec l’arrivée d’une guerre en Europe, continent qui pensait avoir enterré la hache de guerre pour de bon. Les patients m’en parlaient en séance, hébétés « comment est-ce encore possible, en 2022… ?! ». Et pendant que je les écoutais, soigneusement, je ne pouvais que penser à cet écrit.

J’avais fini ce texte avant l’invasion de l’Ukraine qui a recalibré le monde moderne et redéfinit les enjeux pour tous.

Le monde s’est alors réveillé anxieusement avec l’arrivée d’une guerre en Europe, continent qui pensait avoir enterré la hache de guerre pour de bon. Les patients m’en parlaient en séance, hébétés « comment est-ce encore possible, en 2022… ?! ». Et pendant que je les écoutais, soigneusement, je ne pouvais que penser à cet écrit.

L’histoire de ma propre désillusion, quelques années auparavant, et ce qu’elle m’avait appris.

« L’histoire d’un pays qui avait un petit peu du monde en lui. Un pays, qui s’est effondré en deux ans, entre crise économique, pandémie, et catastrophe explosive… L’histoire d’un pays où différents mondes coexistaient, différentes langues étaient parlées, différentes religions étaient pratiquées, et où la mer touchait de ses vagues le flanc des chaines montagneuses.

Un pays qu’on appelait maison, rongé par la cupidité et le mal, le déni et l’ignorance de nos croyances – un système trop ancré pour être détruit, entretenant la diffusion de responsabilité, le « qu’en est-il de… », l’immunité au changement et l’impunité – en dépit de l’existence du génie, des universitaires et des prix Nobels.

Mais dieu, qu’il est tombé vite !

L’histoire de mon pays peut vous paraitre sans importance.

C’est un pays du Moyen-Orient, région où le conflit est « juste un autre conflit », où les vies ont une autre valeur ; où les drames, si mentionnés, se résument à une phrase dans votre quotidien qui tombe dans des oreilles sourdes.

Les derniers événements ont d’ailleurs clairement montré l’inégalité des attentions ; entre les « civilisés », et le reste du monde.

Ceci dit, je ne vous reproche pas de détourner le regard : nous le faisons tous, tous les jours.

Notre cerveau est trop fragile pour prendre en compte toute la complexité du monde qui nous entoure : il a besoin de simplifications et de biais pour fonctionner, avancer, et survivre.

Il suffirait de vouloir choisir au supermarché des achats responsables, écologiques et économiques pour comprendre l’ampleur de la tâche. Trop difficile, trop compliqué, trop peu de temps.

Nous avons besoin de simplifier pour survivre.

Mais cette fois-ci, notre capacité de survie ne fait que nous rapprocher de notre échéance.

Nous détournons le regard, mais notre monde va mal.

Nous détournons le regard, et les espèces disparaissent les unes après les autres.

Nous détournons le regard, et les rivières débordent, les feux de forêt s’enchainent, et les virus se répandent.

Et nous continuons à détourner le regard, impuissants. Mais nous restons impuissants, tant que nous détournons le regard.

Patients d’un système

Il existe en psychologie une théorie que nous utilisons quand une famille déclare aller bien, « mis à part un individu, qui dysfonctionne ». C’est la théorie du patient-symptôme, le vilain petit canard.

Cette théorie clame que le patient-symptôme, celui qui dysfonctionne, porte les dysfonctions du système familial que tout le monde refuse de voir. Et tant que la famille ne perçoit pas son rôle dans la dysfonction de l’individu, la situation s’entretient.

Ghandi a dit un jour que la grandeur d’une nation était mesurée par sa façon de traiter les animaux.

Je modifierai en disant : la résilience d’une famille, d’une nation, ou d’un monde, est mesurée par sa façon de traiter ses plus vulnérables.

Regardez votre vilain petit canard.

Et le Moyen-Orient, en est un.

Le monde est un système complexe de nations qui interagissent.  

Tout comme la disparition des abeilles impacterait nos vies humaines ; une nation dépend souvent de l’autre pour survivre.

Nous sommes interdépendants dans nos écosystèmes.

Si la covid nous a appris quelque chose, c’est bien cela.

L’« Afrique » ou le « Moyen-Orient » portent des dysfonctions d’un système ; il serait probablement utile de se pencher là-dessus.

Et tout comme les chinois furent les premiers touchés par le coronavirus ; nous, les libanais, étions parmi les premiers touchés par l’échec de notre modèle sociétal : soit la destruction d’un écosystème mené par la corruption, les apparences, la cupidité, et la médiocrité.

Depuis des années, nous savions que notre pays était corrompu. Mais nous avons regardé ailleurs, en se disant résilients : nos soirées étaient les plus belles du monde et cette anarchie nous garantissait une certaine liberté. Il fallait surtout se raccrocher à ses privilèges, et connaitre les bonnes personnes pour se faire justice soi-même. Dans ce petit monde, on connait souvent quelqu’un, qui connait quelqu’un…

En y repensant, je pense aux termes utilisés par un historien qui qualifiait « l’élite irresponsable ». Celle qui faisait la fête, alors que l’injustice était à sa porte.

A ce stade, il me parait important de préciser : je ne dis pas qu’il faut être misérable parce qu’il y a de la misère dans ce monde. Je suis psychologue, et je prône le bien-être et le bonheur au quotidien ! Tout ce que je dis ; c’est que faire partie de l’élite, du premier monde, entraine des responsabilités qui viennent avec les privilèges. Et si on ne s’en saisit pas, le temps risque de nous faire gouter à l’amertume que l’on refoule, inconsciemment.

Au Liban, moins de 10% de la population a récupéré 90% des ressources.

Ce ratio vous semble familier ?

Et comme ces 10% gouvernait le monde, personne n’a pu les arrêter.

Et les 90% restant ?

Des morts-vivants, restés chez eux, ou des hommes-errants, répandus à travers les différentes parties du globe ayant en commun la perte d’un pays, d’un chez-soi, et le souvenir d’un temps où tout était plus simple.

En observant cette descente aux enfers, je pensai à ces scientifiques qui disent et redisent que le changement climatique pourrait tout détruire si nous n’agissons pas. Il faut du temps pour qu’un drame se prépare, mais une fois qu’il atteint son apogée, il frappe rapidement.

La perte de la patrie est un sentiment très particulier. Une douleur comme aucune autre, que je ne souhaite à personne. Votre maison, votre famille, votre histoire et vos ancêtres, ces jeux d’enfants, ces promenades insouciantes et ces longues traversées. Le simple fait d’être, à l’air des montagnes et de la mer, et d’observer un coucher du soleil différent, tous les soirs. Ah, comme j’aimais ces couchers du soleil !

Le concept d’un monde fragmenté ne fonctionne que jusqu’à ce que l’on réalise que l’on appartient tous à un même système. Un jour, cette masse deviendra cancer et une métastase de vérités : nous sommes aussi vulnérables que nos parties les plus fragiles, nos terres les plus fragiles, nos espèces les plus menacées. L’extinction commence peut-être par le bas de la chaine alimentaire, mais elle continue son chemin vers le haut.

A moins que l’élite, ne décide de changer les choses… »

Mise à jour après la guerre en Europe :

En relisant mon article, je pouvais comprendre les gens autour qui, comme moi, voyaient la paix se consumer en touchant du doigt leurs impuissances.

Les occidentaux savaient que la guerre existait dans d’autres parties du monde, mais ils ne pensaient pas qu’elle toucherait l’Europe. Et pourtant…

Poutine a frappé en utilisant des techniques de guerre testées et développées en Syrie et des collectifs syriens ont communiqué leurs astuces de survie aux Ukrainiens, par le biais des réseaux sociaux.

Dans ce monde complexe, les algorithmes et les médias favorisent nos abstractions sélectives.

Mais ce monde nous offre aussi le moyen de changer.

Tous les jours, nous truquons nos sourires sur Instagram et Poutine maquille les nouvelles en Russie. Mais ces outils d’informations peuvent aussi être utilisés pour mettre la lumière sur ce qui importe, ce qui aide.  Les individus, les politiciens, les médias et les réseaux sociaux peuvent aussi communiquer de la valeur, de la vérité, et des contenus responsables de manière à lutter tous les jours, contre les injustices.

Il est évident que notre monde change tous les jours un petit peu plus.

Quel rôle voulez-vous jouer dans ce changement ?

Dans votre vie, dans votre famille, au travail, dans ce monde… notre monde.

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Chers Millenials, soyez prudents

Je lisais un article sur le burn-out des millenials (génération née entre les années 80 et 90/2000). Loin d’être un syndrome reconnu, ce concept fait appel aux jeunes adultes qui s’écroulent sous des attentes d’une vie meilleure : une meilleure carrière, une alimentation plus saine, plus de sport, de yoga. Fonder une famille tout en voyageant, faire de l’argent tout en luttant pour la paix dans le monde…