Et si nous parlions… d’addiction (deuxième partie)

La notion de motivation est une notion fondamentale dans les addictions. D’ailleurs, si le traitement des addictions est si difficile, c’est aussi parce qu’il est très difficile d’abandonner quelque chose qui a été si plaisant, si agréable et si nécessaire à un moment donné.

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La notion de motivation est une notion fondamentale dans les addictions.

D’ailleurs, si le traitement des addictions est si difficile, c’est aussi parce qu’il est très difficile d’abandonner quelque chose qui a été si plaisant, si agréable et si nécessaire à un moment donné.

En effet, même si votre conscience ne désire plus de cette chose que vous avez tant désiré, votre corps vous la demande, notamment par l’intermédiaire des symptômes de manque…

Il est donc très important de poser la question de la motivation dès le début de la thérapie : où en êtes-vous exactement, sur le cycle motivationnel ?

Cycle Motivationnel

La première étape consiste donc à comprendre votre motivation. Pour ce faire, l’entretien motivationnel est un outil indéniable.

La motivation est loin d’être linéaire. Elle ne peut non plus être transmise ou dictée. En effet, même en créant des motivations externes, on ne pourra remplacer cette force intérieure, ce désire intrinsèque de changement.

(Stades du Changement, Prochaska & DiClemente, 1983)

Où que vous soyez sur ce continuum, rappelez vous que la motivation est un concept dynamique.

Par exemple, disons que vous voulez commencer un régime, ou reprendre le sport. Le premier jour vous serez peut-être déterminés, convaincus, le lendemain, un peu moins. Le troisième jour si on vous offre une part de gâteau à laquelle vous avez succombé – ou que vous ratez votre cours de gym- vous perdrez peut-être espoir, ne vous sentant plus à la hauteur. Puis le quatrième jour, si une amie vous motive, vous reprendrez à nouveau… Ces stades de changement peuvent apparaître dans un ordre différent. Quoi qu’il en soit, tout changement emmènera avec lui sa dose d’ambivalence et d’incertitudes, qu’il sera important de prendre en compte et de comprendre, sans jugement.

La motivation n’est pas quelque chose que l’on peut commander, elle doit être ressentie, intériorisée. Le changement ne se fait pas en un jour !

Observation de la Situation: Facteurs de Protection et les Vulnérabilités

A quel moment le comportement-problème apparaît-il ? Qu’est ce qui peut le déclencher, ou au contraire l’empêcher de se reproduire ? Quels sont les pensées, et émotions qui surgissent avant, pendant, et après?

Comme dans tout traitement cognitif-comportemental, la première étape consiste à établir l’état des lieux, ou l’analyse fonctionnelle du problème. On évaluera ainsi la nature du problème, sa sévérité (intensité et fréquence) et les facteurs de protection et de vulnérabilité.

Ces-derniers dépendent souvent de la personne et de son interprétation de la réalité : un cercle social peut donc être à la fois une force ou une protection, dépendamment de la perception que l’on en a et de l’effet qu’il peut avoir sur le  ratio désir/aptitude au changement.

Certains facteurs sont aussi parfois évidents: un bar à alcool est certainement un facteur de vulnérabilité pour qui veut arrêter l’alcool, tout comme un casino l’est pour qui veut arrêter le jeu. Le stress, lui aussi, est souvent un facteur de vulnérabilité.

D’un autre côté, des circonstances de vie paisibles et stables sont des facteurs protecteurs. Il en est de même pour les groupes aidant et bienveillants, que l’on trouve parfois par le biais de groupes thérapeutiques comme celui des alcooliques anonymes.

Une fois que le fonctionnement est clairement établi, l’objectif devient de maximiser la présence des facteurs de protection et de diminuer celle des facteurs de vulnérabilités. La thérapie impliquera donc la maîtrise des facteurs environnementaux, mais aussi un travail sur les pensées/perceptions/comportements. On emploiera également des stratégies émotionnelles ainsi que des stratégies de résolutions de problèmes.

En effet, l’addiction entraîne malheureusement souvent l’entassement de diverses problématiques qui s’accumulent au fil du temps (conflits, dettes, problèmes de santé etc.).

Thérapie Cognitive: Repérer de vos Biais d’Interprétation

Un des biais les plus fréquents dans l’addiction est la pensée dichotomique, soit la pensée en noir et blanc. Elle est souvent à l’origine des rechutes, où un verre/une partie/une cigarette se transforme en plusieurs, et met en échec le processus de changement. Une simple erreur de parcours peut alors signifier à la personne concernée que tout est perdu. La nuance disparaît de ses propos et elle se noie dans un excès, faute de pouvoir maintenir l’abstinence parfaite.

A penser en « tout ou rien », grandes sont les chances de finir avec « rien ».

Une partie du travail cognitif est déjà abordée dans l’entretien motivationnel. Une autre se consacre aux problèmes sous-jacents de l’addiction : problèmes relationnels ? économiques ? personnels (estime de soi etc.) ? anxiété ou trouble sous-jacent -trouble de personnalité, trouble bipolaire, ou autre… ?

Thérapie Comportementale

Dans un travail comportemental, la planification, et la rigueur sont essentiels. C’est une approche très précise et systématique : une fois l’objectif détermine, les facteurs de protection/vulnérabilité mis en relief, il s’agit de les mettre en application, situation par situation.

L’objectif sera aussi de développer de nouveaux comportements pour gérer la vie et son stress quotidien.

Par exemple: suite à un conflit avec votre partenaire, y aurait-il quelque chose d’autre à faire, avant d’appeler son dealer ? Serait-il possible d’appeler quelqu’un d’autre, ou un membre de la famille ? Ou de prendre un peu de recul en marchant dans un endroit protégé qui vous éviterait d’avoir recours à la tentation ?

Si vous perdez 500 euros au jeu, serait-il possible de s’arrêter sur une perte, au lieu d’essayer de se racheter par le jeu ?

Ce processus va de pair avec le travail cognitif et émotionnel : le choix des bénéfices à long termes , la gestion des émotions pressantes et de l’impulsivité…

Travail sur l’Émotion

“Ça aussi ça passera”: ces cravings, ces émotions… Ce n’est pas la peine de les fuir, une fois qu’ils surgissent : ils ne peuvent pas vous détruire si vous les affrontez correctement. Le sport, la relaxation, la thérapie par l’animal, le yoga, la méditation, le théâtre, l’écriture, l’art, sont tant d’outils qui vous permettent de vous connecter à votre émotion ; et de les exprimer de manière plus adaptée, et moins destructrice pour vous et votre environnement.

Une grande partie du travail sur l’émotion consiste aussi à accepter la douleur, ainsi que toute chose que l’on ne peut changer. Regarder les émotions négatives dans les yeux et leur donner de la place est plus efficace que de refuser de les gérer en essayant de les remplacer par un autre sentiment tout aussi éphémère, mais plus artificiel et plus plaisant.  N’oublions pas l’effet boomerang du déni de cette douleur, qui ne fera que revenir : telle une boule de neige, elle s’amassera ensuite pour devenir de plus en plus forte, et de plus en plus destructrice…

Maintien des Résultats et Prévention de la Rechute

Accepter les erreurs, accepter la difficulté, accepter de ne pas tout contrôler, accepter l’imprévu… Accepter que la motivation, et le changement, sont un processus de longue haleine. Accepter la crise, accepter de tomber plusieurs fois, réussir à se relever à chaque fois: continuer d’espérer et continuer d’y croire. Faire tous les jours un peu mieux, regarder le chemin et non pas la ligne d’arrivée, observer la lumière et la pluie sur son passage. Croire en soi même, faire confiance au temps, et accepter de l’aide.

L’addiction est une guerre qu’il ne faut pas combattre seul. L’addiction a besoin d’être comprise, affrontée et traitée jour après jour, après jour… Plus particulièrement, l’addiction est en vous, et vous avez besoin d’être pris en compte, pris en charge, soigné et accompagné.

Si vous luttez contre une addiction, cherchez de l’aide. Et si vous êtes déjà dans ce long processus de changement, permettez moi de vous féliciter pour votre courage: le courage d’essayer, d’espérer pour une vie meilleure. Vous avez le courage d’affronter cette difficulté extrême,  l’abstinence. VOUS AVEZ LE COURAGE D’ESSAYER, et c’est déjà beaucoup. Continuez d’essayer, n’arrêtez pas, quelle que soit la réussite, multipliez les moyens et n’abandonnez pas la lutte : un jour, vous y arriverez peut être… vous toucherez du doigt, votre liberté!

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