L’abandon, la douleur, les insécurités de l’enfance… Travailler au sein de la protection de l’enfance peut remettre en question un grand nombre de vos certitudes sur la parentalité. Les évidences, le “bon sens” disparaissent vite: on finit par se demander pourquoi aucun cours de parentalité n’existe actuellement…
Encore loin d’être enseignées à l’école, nos connaissances dans ce domaine nous viennent de notre propre expérience: de notre propre enfance.
Si vous lisez cet article, vous essayez probablement de dépasser ce biais subjectif. J’ai donc regroupé ci-dessous les leçons que j’ai apprises en observant l’impensable, l’inimaginable, réalisé quotidiennement dans les services de l’Aide Sociale à l’Enfance. J’espère qu’elles sauront répondre à vos interrogations…
Sécuriser son enfant
Connaissant la pyramide des besoins de Maslow, vous ne serez pas surpris de voir mentionné en priorité l’intégrité corporelle et physique. Pour autant, la hiérarchie de Maslow a depuis bien évolué – notamment quand on parle d’enfance, où il est tout aussi important de mentionner la sécurité et l’intégrité psychologique.
Protéger son intégrité physique
Il peut sembler évident qu’élever un enfant, c’est assurer avant tout son développement corporel, mais c’est déjà une réussite trop souvent sous-estimée (On ne se félicite pas assez d’avoir su préserver la vie de son enfant – ce qui est bien dommage à mon avis !).
Protéger l’intégrité corporelle de son enfant sous-entend le protéger des maladies, des blessures corporelles, et de toute atteinte à son corps et à son physique. Cela implique que vous enveloppiez l’organisme de votre enfant d’une attention particulière, afin de le préserver; de faire respecter son territoire, tout en vous assurant le monde autour s’y prête aussi ! En effet, dans la majorité des cas, l’agresseur de votre enfant se trouve dans votre environnement le plus proche.
Protéger son développement psychologique
L’expérience de Harlow a permis de mettre en avant la nécessité de la chaleur psychologique. En effet, le contact, le confort, la chaleur humaine et la sécurité de l’attachement peuvent s’avérer plus importants pour l’enfant que la nourriture. Afin d’étayer cette théorie, je vous joins la vidéo de l’expérience, suffisamment explicite pour vous parler d’elle même :
Attention; sécuriser un enfant ne signifie pas qu’il ne faut pas l’exposer à certains degrés d’insécurité! Cela veut dire qu’il faut être présent, pour l’aider à gérer ses difficultés quotidiennes, répondre à ses appels, mais ne pas faire le travail à sa place. Être présent, avec cohérence, chaleur et consistance, afin de l’aider à faire face, et à développer ses propres armes.
Armer son enfant
“N’handicapez pas vos enfants en facilitant leur vie” Robert A. Heinlein
Votre enfant va pleurer, il fera des cauchemars, découvrira le stress et la peur … ne l’en empêchez pas, ce serait une mission impossible! Même s’il est difficile de le voir souffrir, tout ce que vous pouvez faire, c’est rester à ses côtés. Vous pourrez l’emmener à identifier ses émotions, et apprendre à les gérer : ce sera une aptitude nécessaire à son évolution .
Emmanuel Kant disait “il n’y a pas de pire tyrannie que de vouloir le bien d’autrui”. Il observait une terrible injonction dans le fait de vouloir le bonheur de l’autre, insistant que cela supprimait l’identification à soi et forçait à porter un masque pour faire plaisir à l’autre.
Vos enfants ont droit à la douleur, ne les surprotégez pas: armez les, afin qu’ils puissent faire face au monde dans lequel vous vivez.
Si vous sautez cette étape, il faudra qu’ils l’apprennent par leurs propres moyens. Ils risqueraient aussi de vouloir entretenir cet idéal ou de renier ce monde qu’il n’ont jamais appris à affronter…
Mais pas trop : vos enfants ne sont pas des adultes
Je recevais parfois des enfants inquiets de la situation financière de leurs parents, ou des conflits au sein du couple parental. Les enfants ne peuvent pas comprendre les problèmes des adultes, ils ne devraient pas avoir à les affronter.
Ne sous-estimez pas le désir et la capacité d’un enfant à camoufler certaines choses pour vous faire sourire : votre bien-être est un élément vital pour eux. En effet, si vous ne vous portez pas bien, leur survie est mise à risque : par instinct, ils feront donc tout leur possible pour vous protéger et assurer votre survie avant la leur car sans vous, ils n’existeraient pas.
N’emmenez pas votre enfant dans un monde d’adulte, même s’il semble habitué à comprendre et gérer votre douleur et vous y accompagner. Pensez plutôt à vous protéger vous-même: votre bien-être le rassurera, tout en lui montrant le chemin vers une vie adulte sécurisante et stable.
Protéger l’enfant en vous
En 1807, William Wordsworth écrit “L’enfant est le père de l’homme“.
Afin de devenir parent, il est important de commencer par prendre soin de soi, de faire de l’auto-parentage.
Votre enfant pensera à travers vous, il verra le monde à travers vos yeux: assurez-vous de chercher de l’aide quand vous en aurez besoin, prenez soin de vous entourer!
Cela est notamment important lorsque votre rôle de parent arrivera à sa fin et qu’il faudra laisser votre enfant devenir adulte. Un jour, votre enfant va grandir, et l’enfant en vous voudra le retenir. A ce moment-là, les mêmes consignes s’appliqueront pour vous : cherchez de l’aide quand vous êtes blessés, armez-vous quand vous vous sentez impuissants, ne prenez pas en charge plus que vous ne pouvez supporter.
Rien ne vaut la beauté de l’art combiné à la science. Je conclurai donc avec les mots de notre fierté Libanaise nationale, Gibran Khalil Gibran:
Vos enfants ne sont pas vos enfants.
Ils sont les fils et les filles de l’appel de la Vie à elle-même,
Ils viennent à travers vous mais non de vous.
Et bien qu’ils soient avec vous, ils ne vous appartiennent pas.
Vous pouvez leur donner votre amour mais non point vos pensées,
Car ils ont leurs propres pensées.
Vous pouvez accueillir leurs corps mais pas leurs âmes,
Car leurs âmes habitent la maison de demain, que vous ne pouvez visiter,
pas même dans vos rêves.
Vous pouvez vous efforcer d’être comme eux,
mais ne tentez pas de les faire comme vous.
Car la vie ne va pas en arrière, ni ne s’attarde avec hier.
Vous êtes les arcs par qui vos enfants, comme des flèches vivantes, sont projetés.
L’Archer voit le but sur le chemin de l’infini, et Il vous tend de Sa puissance
pour que Ses flèches puissent voler vite et loin.
Que votre tension par la main de l’Archer soit pour la joie;
Car de même qu’Il aime la flèche qui vole, Il aime l’arc qui est stable.